attitude
LE DÉJÀ-LÀ
L’Architecture est une discipline subjective qui se nourrie de sensations. Cela est encore plus prégnant et vrai pour les opérations en réhabilitation pour lesquelles l’approche sensible n’est pas une projection de ce qui sera, mais une réalité de ce qui est. En effet, l’existant propose un « déjà-là » qui a des choses à dire, et qu’il ne faut surtout pas taire avec notre intervention. Travailler sur des bâtiments existants, c’est se plier à l’injonction qui nous est faite par le lieu de respecter « le parti pris des choses », concept hommage à Francis Ponge dont la poésie est une source d’inspiration intarissable pour aborder le Patrimoine.
Nous attachons donc de l’importance à bien contextualiser nos projets, et à proposer des réponses spécifiques qui procèdent à chaque fois de la remise en question de nos certitudes. Chaque projet doit être l’occasion d’un défi. L’exercice de conception doit être le terrain d’une stimulation intellectuelle sans cesse nourrie pour ne jamais céder au simple tour de main.
Portés par des enjeux environnementaux et urbains, nous préférons parler de « réutilisation » plutôt que « réhabilitation », de « restructuration » ou de « rénovation ». Nous aimons en effet beaucoup ce terme qui nous parait plus juste pour traduire les enjeux écologiques que ce type d’opérations sous-entend. Qu’il s’agisse de réemploi, de changement de destination ou de rénovation thermique : intervenir sur des existants est intrinsèquement liée aux questions environnementales qui se posent aujourd’hui, et dont la pertinence se vérifie un peu plus chaque jour.
La question qui nous est donc posée à chaque nouvelle opération est donc comment « réutiliser » de façon intelligente le bâti existant. Faire du neuf avec du vieux. Du neuf au goût du jour -esthétique, usages et normes. Du neuf pertinent et respectueux de ses racines. Du neuf qui assoit le statut patrimonial du « déjà-là », qui lui rend hommage et le sublime.
Si vétuste et obsolète soit-il, chaque bâtiment est toujours le témoin d’une Époque.
L’objectif pour chaque opération est donc de réaliser un projet exemplaire en proposant un bâtiment réutilisé singulier et remarquable. Un nouveau paradigme proposant un bâtiment riche d’un « déjà-là » porteur d’une Histoire, mais devenu objet résolument contemporain.
LA BISSOCIATION
La bissociation, terme forgé par Arthur Koestler, est un processus créatif qui consiste à combiner deux univers a priori très étrangers, afin d’en créer un troisième, inédit.
C’est cette démarche esthétique que l’agence défend et mène dans ses interventions en réhabilitation.
En effet, plutôt que d’inscrire nos projets dans le pastiche ou l’hommage, nous nous appliquons à proposer à chaque fois un langage inédit. Nous développons une esthétique en réaction au contexte. Il ne s’agit cependant pas de faire un projet en opposition, mais bien de créer les conditions d’une coexistence hétéroclite permettant au final de ne pas superposer deux langages architecturaux étrangers mais bien d’en créer un troisième, inédit.
C’est ce contraste qui nous intéresse et qui nous permet de proposer des bâtiments réhabilités riches de deux écritures architecturales, témoignant deux époques, mais ne formant qu’un. Notre ambition est de faire cohabiter notre intervention et le « déjà-là » pour créer un dialogue duquel s’enrichissent l’un et l’autre.
Cette attitude de projet nous parait la plus opérante vis-à-vis du Patrimoine, car elle permet bien souvent de dévoiler quelque chose qui a toujours été là, mais que l’habitude cachait à nos regards.
Nous ne croyons pas que le respect du Patrimoine doive se manifester par une intervention mimétique et effacée. Ainsi, à chaque fois que nous intervenons dans des sites avec un fort enjeu patrimonial, nous proposons une écriture moderne : le contraste des deux langages permettant de se mettre en valeur l’un l’autre.
ARCHITECTES BATISSEURS
Pour tout un tas de raisons -sur lesquelles nous ne reviendrons pas- nous avons vu la profession se détacher du chantier, et nous avons vu apparaitre, ébahis, la distinction étrange entre l’architecte de conception et le maitre d’œuvre d’exécution. Sacrilège ! Nous revendiquons notre statut d’architectes bâtisseurs, et nous ne souhaitons déléguer à personne d’autre le loisir de conduire nos chantiers.
Car la réalité est qu’un bâtiment -quand bien même la plus grande qualité de ses études- se construit par itération, au fur et à mesure que des contraintes, des problèmes techniques, voire des oublis, ou des incohérences apparaissent. C’est une vue de l’esprit de considérer qu’un ouvrage peut être intégralement pensé au départ. Et c’est parce que nous sommes parfaitement conscients de cette impossibilité que nous attachons une telle importance à suivre nous-mêmes nos chantiers.
Nous savons que nous ne savons pas, et par conséquent nous acceptons d’enrichir le projet de toutes les suggestions malignes que d’autres, riches de leurs savoirs propres, sont à même d’apporter. Pour nous, le chantier, c’est le temps de la discussion, c’est le temps de l’humilité, le temps où l’on apprend, où nous renforçons, à chaque fois un peu plus, nos compétences d’architectes. Comment ferions-nous l’impasse sur ce temps primordial ?
Le chantier est donc, pour nous, d’abord une histoire de femmes et d’hommes. L’acte de bâtir reste au XXI° siècle une des dernières aventures, un projet humain autour duquel se fédèrent des compétences. Entraîner tout le monde dans notre sillage demeure notre principale préoccupation d’architectes bâtisseurs.